Le parvis de Saint-Lazare, quelques secondes avant le surgissement du psychopathe qui a fait s’envoler pigeons et passants

Hier fut une longue journée ferroviaire pour rentrer chez moi. D’abord un TER jusqu’à Paris et l’inévitable psychopathe hurleur qui veut en découdre avec les passants sur le parvis de Saint-Lazare. Puis, devant la gare du Nord, les questions cons d’une équipe de TF1 en quête de micro-trottoir : ces gens voulaient absolument me faire dire que le Brexit, c’est pas très gentil… “Gentil”, bon sang… J’attends impatiemment le jour où, à force de se mettre à hauteur de son public de badabeus profonds, le niveau de vocabulaire du JT de TF1 aura atteint celui de Pifou, le chien trépané des éditions Vaillant : la consommation, glop glop ; la Covid et le Brexit, pas glop pas glop… (Inutile de chercher ma physionomie masquée FFP2 dans les archives de la chaîne, hein. Mon fils s’est dévoué pour vérifier —milles grâces lui soient rendues de m’avoir épargné cette épreuve—, il est formel : mon quart d’heure warholien n’aura pas eu lieu en 2020, j’ai été coupé au montage.)

“Bonjour, c’est TF1 et on a des questions cons. Est-ce que vos réponses pourraient être à l’avenant, s’il vous plaît ?”

Après les gares parisiennes, j’ai arpenté celles de Lille, où j’ai constaté que les travaux de Lille-Europe ont été terminés, depuis mon dernier passage. C’est toujours aussi laid, on s’y pèle toujours aussi violemment les fesses (et tout ce qui les surplombe), mais on dispose désormais d’un mobilier urbain design pour s’asseoir et attendre son train (ou plus probablement la mort) dans les courants d’air gelé. Bien entendu, ledit mobilier est astucieusement muni d’affreux accoudoirs pour décourager les personnes sans-abri de s’y étendre. Précaution inutile à mon avis, puisqu’à Lille-Europe, les personnes sans-abri ont tout intérêt à rester dehors, où il fait nettement moins froid que dans ce chef-d’œuvre de cynisme architectural.

Enfin, alleluia et toutes ces sortes de choses, j’ai pu me réchauffer dans un TGV Lille-Bruxelles conduit par un Flamand facétieux. J’ai souri quand il a fait souffler un vent de panique parmi les touristes français, en expliquant que ceux qui n’avaient pas de test Covid négatif seraient impitoyablement reconduits à la frontière. Vaine promesse, hélas, puisque nul policier ni douanier n’était en embuscade à Bruxelles-Midi pour contrôler nos Passenger Locator Forms (sic), ni vérifier le statut sérologique des envahisseurs qui prétendent postillonner en toute impunité sur le sol belge alors qu’ils n’ont même pas de numéro de registre national, ces rustres. J’ai songé à Erika Vlieghe, la virologue de l’Université catholique de Louvain qui fait actuellement le siège des médias belges pour dire tout le mal qu’elle pense des mauvaises gens de mon espèce (car, en rendant ENFIN visite à mes enfants, mes parents, ma fiancée et mes amies proches que je n’avais pas vus depuis août, il semble que j’aie gravement mis en cause la stabilité sanitaire du Royaume), et j’en ai été presque triste pour elle. Je me suis dit qu’elle n’aurait pas souri, en nous voyant déambuler ainsi librement. Puis je me suis rappelé qu’elle ne sourit jamais, de toute façon, et cette pensée m’a rasséréné.

Et donc, me voilà en quarantaine pour dix jours. Certes, je dispose de vivres en quantités déraisonnables, mais il ne reste plus qu’une seule Ciney blonde dans le frigo. Comment vais-je survivre à cette angoissante pénurie ? Nous le découvrirons dans les billets des prochains jours.